Voilà la dernière page du dernier volet derrière moi. Quelques jours pour digérer, tenter d'en faire la synthèse et coucou me re-voilou.
Pas facile facile car Peace est une canaille, et jusqu'au bout. Son quintet joue le blues jusqu'au bout de l'impasse, dans le mur, puis entre les pierres, direction le mortier. Pour ceux qui connaissent, mon avis sur la question n'illuminera pas les ténèbres. Pour les autres, ma chandelle sera peut-être utile.
Un bref rappel avant d'entamer les choses sérieuses: 1974, Dunford est reporter, nous sommes à Leeds, une fillette a disparu. C'est une série de disparitions que notre gratte-papier va couvrir, et tout un panier de crabes qu'il va découvrir. Magouilles immobilières et/ou politiques, meurtriers et pédophiles, policiers corrompus, ça grouille, et ça grouille encore, jusqu'au final qui sent la poudre. Ca se boit noir et sans sucre, un whisky pour faire passer éventuellement.
1977, Bob est flic et l'éventreur du Yorkshire court toujours. Un marteau et un tournevis en main, quelques prostituées à son actif, notre travailleur est bien décidé à faire carrière. Il ne compte plus ses heures sup' et nos amis les flics patinent loin derrière, lorsqu'ils ne s'en mettent pas plein les fouilles avec la came, les filles ou le porno. Bob sera bien en peine de tenir la marée, entre sa femme qu'il trompe, et ses collègues qui le trompent, cette équipée laissera un goût amer dans la bouche de la justice.
1980, Hunter est envoyé au casse-pipe. Notre monsieur propre doit laver le linge sale qui s'accumule dans la machine policière. Des meurtres qui ne coïncident pas avec les schémas, des dates et des lieux à vérifier, des flics à suivre, et des flics qui vous suivent d'un sale oeil, car les vendus sont prêts à tout, jusqu'au tomber de rideau acéré comme la guillotine sur le col du condamné.
Voilà pour le bref, bref rappel des premières mesures de ce gros morceau concocté par Peace. Passons maintenant au final, 1983 qui voit s'achever la partition.
Piggot est obèse, il est avocat et se voit chargé de la défense en appel d'un condamné lors d'une affaire de meurtre d'enfant en 1974. Mais une autre disparition, un autre accusé, puis son rapide suicide changeront-ils la donne? Ce dernier morceau est joué à plusieurs voix. Jobson, un des policiers vendus, Piggot l'avocat, B.J. l'éternel témoin en cavale que l'on croise dans tous les bouquins, et quelques autres dont je tairai le nom afin de ne pas cracher le morceau. Je ne voudrai pas gâcher la surprise à ceux qui se lancent, car la plupart des réponses gît ici ...
Mon avis sur la question maintenant. C'est sombre comme le cul de l'enfer nous dirait Lansdale. Peut-être trop sombre, car lorsque rien ne va plus et que tout empire... Comme si cela ne suffisait pas, la plupart des gens de bien que l'on croise dans toute cette noirceur souffrent mille maux, et ne voient guère de lumière les auréoler. M'étant attaché à certains d'entre eux, je le regrette.
L'écriture est plus que particulière. Beaucoup de répétitions. Des passages oniriques et des non-dits. Peut-être à outrance. Le lecteur peut facilement se perdre, ou déclarer forfait bien avant la fin.
Que retirer alors de la traversée de ces années noires? Une tristesse immense tout d'abord. Ces morts, ces souffrances, ces errements. Un dégoût dévastateur ensuite. Pour cette époque en plein marasme. Pour ces gens bornés ou conservateurs, ces institutions corrompues et cette société toute entière qui vit le meurtre et la souffrance, qui toléra la corruption, pour s'attacher à la poursuite de l'argent au détriment du reste. Nous nous verrons enfin énoncer cette terrible et simple vérité: tout le monde savait et son implacable corollaire, tout le monde s'en foutait.
Un gros coup de poing, qui se déguste parfois comme des ongles sur un tableau noir, ou un sac plastique sur la tête, car ça frôle la torture littéraire.
Je ne regrette pourtant pas d'avoir fait toute la route avec Peace. Les amortisseurs étaient nazes, la route défoncée, le paysage morne et la musique triste. Mais la place du mort m'allait comme un gant. Je m'extirpe tout juste de la caisse, et regardant derrière mon épaule je me dis qu'il y avait quelque chose dans cette virée. Peace m'aura touché, malgré l'horreur, et c'est à ça que je reconnais le truc. Je ne l'explique pas vraiment, mais je le sens.
Pour ceux que le rallye attire, accrochez vos ceintures, et plein gaz, la route vous attend...