J'étais en manque de suédois, et la sortie en poche est une aubaine pour les amateurs avertis ne bénéficiant pas encore d'un bouclier fiscal. J'avais hésité devant l'ouvrage à sa sortie chez Seuil, je l'ai acheté chez Point, ainsi va la vie... C'est signé Arne Dahl, ancien critique et collaborateur de l'Académie suédoise. Il nous fait suivre ici la première enquête d'une brigade spéciale attachée à la résolution d'affaires sensibles.
Le personnage principal, Paul Hjelm, est un flic de la vieille école. Il ignore tout de l'informatique et bosse à l'instinct. Il opère dans un quartier difficile et, suite à une prise d'otage très médiatisée, il est mit sur la sellette par les affaires internes. Son comportement face au preneur d'otage, un homme du Kosovo à qui la Suède refuse l'asile, est sujet à caution. Hjelm, au bout du rouleau, investit les lieux seul et blesse l'homme sans sommation. La police veut tuer dans l'oeuf toute rumeur de racisme ou de justice expéditive. Elle décide de faire un exemple et le met à pied. Il est alors recruté par le mystérieux Jan-Olov Hultin et intègre une toute nouvelle unité.
Un criminel assassine des grands patrons de l'économie suédoise. C'est bien sûr inacceptable. D'autant plus que le modus operandi est identique à chaque fois. La police y voit là les prémisses d'un tueur en série. Le tueur attend sa victime dans son salon, assis sur le canapé, avant de l'abattre de deux balles dans la tête. Le calibre utilisé, ainsi que la technique, font penser à une exécution pratiquée dans certains milieux criminels. Mais les victimes n'évoluent que dans les cercles de la haute finance. Quel rapport avec un chef de gang albanais et son réseau? Qu'en est-il de cet enregistrement de jazz que l'assassin écoute religieusement à chaque meurtre et qui donne son nom au roman? Ces hommes ont-ils dans les affaires des ennemis assez motivés pour engager des hommes de main?
Les pistes à explorer ne manquent pas. Les enquêteurs de ce 87ème district à la suédoise ont du pain sur la planche. Ils sont issus de brigades et de régions différentes, leurs parcours sont ecclectiques. Il y a là, un ancien avocat devenu policier par souci de justice et qui parle comme un livre, un trentenaire d'origine hispanique fan de musique, une femme au passé trouble, un flic body-buildeur ex-accro des stéroïdes devenu chanteur dans une chorale, etc...
Ils ont tous des compétences utiles et offrent au lecteur une fourchette de comportements plutôt distrayante.
Bien que la procédure policière occupe une place importante dans l'intrigue (l'analyse des preuves, la recherche et l'écoute des témoins comme les planques ou les filatures), il y a dans ce roman une bonne dose de préocupation sociale et politique. J'ai pensé à Sjöwall et Wahlöo, ce qui n'est pas un mal. J'ai pensé à Mankell aussi, car Hjelm lorgne du côté de Wallander. Ses inquiétudes d'homme devant notre société, sa volonté dans le travail ou ses faiblesses d'époux, toutes ces facettes du personnages restent des classiques... Une surprise tout de même, au fil des pages nous découvrons quelques scènes érotique, chose rare dans le polar nordique. L'un dans l'autre et sans mauvais calambour, j'ai passé un bon moment.
Dahl reprend à son compte des ingrédients qui ont fait le succès d'autres écrivains, pour livrer un policier qui, s'il ne dynamite pas les canons du genre, respecte ses codes tout en offrant un bon moment de lecture.